"Hé oui, le voilà enfin ! Celui que vous attendez tous, celui qui tient l'avenir de... eh bien, son propre avenir -et encore, c'est déjà pas mal !- entre ses mains, le petit, mais néanmoins talentueux...!"
(roulements de tambours)
"Le brillant, le fameux, l'unique !... Mécuyer de toute la fédération ! J'ai nommé le remarquable... Hubert Flotaillion !!!"
Un tonnerre d'applaudissement secoua les gradins du Colisée, ébranlant jusqu'à ses fondations toute la colonie martienne de Purtz, se répercutant en échos grondants sur les flancs du grandiose mont Olympus.
Hubert Flotaillion entra sur la piste du Colisée en marchant la tête baissée, regardant précautionneusement où il mettait les pieds. Oh, ce n'était pas qu'il avait peur de trébucher sur quelque-chose ! Le travail du personnel d'entretien lui donnait entière satisfaction. C'est juste qu'il était un peu timide. Or des milliers de personnes étaient actuellement en train de le regarder parcourir la piste du grand Colisée, ce qui avait de quoi rendre nerveux n'importe qui d'un peu timide.
Arrivé devant l'estrade de la princesse Tristonia, il releva bravement la tête pour affronter la cohorte de journalistes qui n'avait pas manqué de s'y positionner. Des flashs l'aveuglèrent instantanément. Soudain, alors qu'il recouvrait la vue, Tristonia, vingt-septième du nom, princesse régente des colonies unifiées du bassin olympien, fut devant lui. Comme il n'était pas très grand, elle le dominait de toute sa taille (un mètre soixante-dix contre un mètre dix) -il faut dire aussi qu'elle était juchée sur son estrade. La princesse s'agenouilla et lui tendit la main en souriant. Elle était ravissante avec ses longs cheveux blonds éclatants tombant en cascade autour de son visage d'ange aux yeux cuivrés. Sur la pointe des pieds, les yeux humides d'émotion, ce fut un mécuyer rouge pivoine qui lui tint délicatement la main, sous un feu nourri d'applaudissements et de flashs photographiques.
Il y eut ensuite beaucoup d'émouvants discours de respectables inconnus, puis ce fut le moment du grand départ. Après un signe de la main à la foule et un regard ému lancé à la princesse, Hubert Flotaillion grimpa dans son vaisseau, verrouilla toutes les écoutilles et se prépara au décollage.
La raison pour laquelle le départ d'Hubert Flotaillion fut tant célébré par le petit peuple était son métier. Effectivement, il s'était (après être passé par toutes les procédures administratives appropriées) déclaré "mécuyer". Son nouveau concept de mécuyer était limpide : à la manière des écuyers des temps précoloniaux, il allait bichonner une entité supérieure dans le but de s'élever à son niveau. Briante idée, n'est-il pas ? De plus, c'était un apprentissage qu'il pourrait, une fois adoubé, reproduire avec d'autres membres de la communauté, et ainsi faire progresser sa chère patrie au niveau de "nation supérieure" -sans qu'il n'y ait aucune connotation antisémite dans son action, entendons-nous bien.
Dans tout le cosmos, la seule race reconnue officiellement (et officieusement aussi d'ailleurs) comme supérieure était celle des mécadruides. Les mécadruides possédaient autrefois un corps organique, mais après avoir élevé leur conscience au niveau Supérieur, ils décidèrent d'adopter des corps entièrement mécanisées. La source de leur énergie devint la magie. Du moins les humains l'appellent ils ainsi, car le terme original, "xströnrchk", est intraduisible.
Hubert Flotaillion a donc décidé de devenir mécuyer auprès d'un noble mécadruide pour étudier, à la manière d'un apprenti mécanicien attentionné, les choses de la vie. Son objectif est de saisir le déclic qui lui permettrait d'élever sa nation et sa race à l'ordre du Supérieur.
C'est ainsi que, encouragé unanimement par ses concitoyens, Hubert Flotaillion pris son envol pour l'espace intersidéral, et pour son incroyable destin.